M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, représentante de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous prie, tout d’abord, d’excuser l’absence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, qui est retenu ailleurs. Conformément au souhait de la conférence des présidents, la commission des finances a consacré, en ce début d’année, deux auditions aux conséquences du Brexit. La première a été organisée avec la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes. Nous y avons reçu M. Michel Barnier, responsable de la négociation du retrait britannique de l’Union européenne – ce fut d’ailleurs l’occasion de le féliciter pour la conclusion d’un accord dans un contexte délicat.
La seconde nous a permis d’entendre M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, sur les conséquences budgétaires et financières du Brexit.
Ces auditions ont mis en lumière plusieurs questions complexes posées par la nouvelle relation avec le Royaume-Uni. L’exemple le plus concret est le transport des marchandises : le rétablissement des formalités douanières suscite, en effet, des frictions aux frontières entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Nous pouvons nous féliciter de l’instauration, à la frontière française, d’un système informatique baptisé « frontière intelligente », qui sélectionne, en amont du franchissement de la frontière, les véhicules devant se présenter aux douanes pour un examen complémentaire, mais le Royaume-Uni est, pour sa part, moins bien préparé. M. Olivier Dussopt l’a rappelé : des dysfonctionnements ont été constatés à la frontière britannique, et l’entrée en vigueur des formalités douanières du côté britannique a été repoussée au 1er juillet 2021. Nous ne sommes donc pas à l’abri de mauvaises surprises.
De même, si l’absence de droits de douane sur les produits qui transitent entre nos deux pays est essentielle pour ne pas pénaliser nos entreprises, soyons conscients que les entreprises françaises importatrices et exportatrices connaîtront des difficultés liées à l’accomplissement obligatoire de nouvelles formalités administratives. Il conviendra de se montrer très vigilant quant aux règles qu’adoptera le Royaume-Uni : le principe de non-régression devra être strictement respecté ; il n’est pas question de tolérer qu’aux portes de l’Europe, un pays dérégulé inonde notre territoire de marchandises sans droits de douane.
Je ne reviendrai pas sur les accords trouvés dans les autres domaines, comme l’agriculture ou la circulation des personnes. Permettez-moi toutefois de saluer l’accord sur la pêche, qui prévoit une diminution de 25 %, en valeur, des prises européennes dans les eaux britanniques à l’horizon de 2026. Il préserve les intérêts des pêcheurs européens, et sa révision devra faire l’objet d’une vigilance particulière.
Cependant, tout n’est pas fait. Ainsi, les services financiers ne figurent pas dans l’accord de décembre 2020 : les Britanniques ont donc perdu le passeport financier qui permettait à leurs établissements financiers d’exercer sur le continent. Si une équivalence de normes temporaire a été accordée aux chambres de compensation, l’attribution des prochaines équivalences s’effectuera au cas par cas : cela pourrait constituer un facteur puissant pour inciter les sociétés financières à installer leurs services directement dans le marché intérieur, notamment – pourquoi pas ? – en France.
Enfin, le départ d’un État membre est coûteux. Pour la France, le rétablissement de la frontière a par exemple conduit à embaucher 700 douaniers, 177 policiers aux frontières et 466 agents chargés des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Ce sont donc plus de 1 300 équivalents temps plein qui ont été créés, et ces coûts seront pérennes.
La contribution de la France au budget de l’Union augmente elle aussi significativement à cause du Brexit : en 2021, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a crû de 4,6 milliards d’euros.
Au-delà de ces considérations budgétaires, la transformation d’un État membre en un État tiers nous appauvrit ; elle nous prive de ses ressources, et limite les échanges humains entre nos territoires. Si la volonté des Britanniques doit être respectée, nous ne pouvons que déplorer que le Royaume-Uni ait choisi de se développer hors de l’Union. Il est vital que ce départ ne signe pas le début d’un affaiblissement de la construction européenne.
La France a un rôle à jouer en ce sens.