à l'Assemblée nationale
Présentation d'une motion de rejet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative 2015
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Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner ce projet de loi de finances rectificative pour 2015 dans un contexte très particulier, plus de quinze jours après les terribles attentats qui ont endeuillé notre pays.
Lors du Congrès à Versailles, François Hollande a fait part de son intention de modifier certains équilibres du budget pour 2016, notamment en matière de sécurité. Le Président de la République a ainsi prévenu que le pacte de sécurité l’emporterait sur le pacte de stabilité, annonçant 8 500 créations de poste dans la police, la justice et les douanes d’ici à deux ans, tout en renonçant à la suppression de 9 218 postes de militaires.
Le groupe Les Républicains approuve la volonté du Gouvernement de renforcer les moyens en faveur de la sécurité des Français, et ce d’autant que nous vous alertons, depuis de nombreux mois, sur l’insuffisance des moyens alloués à notre défense et à notre sécurité.
Toutefois, nous sommes inquiets quant au message politique du Président pour qui la gravité de la situation empêcherait de poursuivre le programme d’assainissement budgétaire. Mes chers collègues, si notre pays a besoin d’une politique de sécurité assumée, la France doit également mener une politique de redressement de nos finances publiques. L’impératif de sécurité exige la souveraineté budgétaire.
Selon les estimations des services de Bercy, ces annonces coûteraient 600 millions d’euros en 2016, ce qui représente 0,03 % du PIB et 0,15 % des dépenses du budget de l’État. Au total, elles pourraient atteindre 1,2 milliard d’euros sur deux ans. Monsieur le secrétaire d’État, comparée aux 306 milliards d’euros de dépenses du budget général de l’État pour 2016, cette augmentation de nos dépenses publiques peut tout à fait être financée par des économies, sans que nous ayons à nous soustraire à nos engagements européens.
Le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique et la réforme de l’aide médicale d’État qui a coûté 1,2 milliard d’euros cette année sont des pistes d’économies pour financer l’effort de sécurité sans remettre en cause le pacte de stabilité. Comme l’a rappelé Pierre Moscovici, lors de son audition en commission des finances ce mercredi 25 novembre, il n’y a pas de contradiction entre sécurité et stabilité.
Nous resterons donc particulièrement vigilants pour que les mesures de sécurité nécessaires fassent l’objet de réelles dépenses nouvelles exceptionnelles et que les risques de terrorisme ne soient pas utilisés comme prétexte pour s’affranchir du pacte de stabilité européen et justifier ainsi l’échec de votre politique de redressement de nos comptes publics. Impératif de sécurité et sérieux budgétaire doivent aller de pair pour garantir dans la durée la sécurité de nos concitoyens !
Alors que la France est déjà lanterne rouge en matière de réduction de son déficit public, ce choix risquerait de créer un précédent dangereux pour la stabilité européenne. En juillet dernier, la Commission européenne a suspendu la procédure pour déficit excessif engagée à l’encontre de notre pays. Cette procédure fait suite à la décision de Bruxelles d’accorder un nouveau délai de deux ans pour ramener notre déficit sous la barre des 3 % de PIB en 2017.
En 2013, la Commission avait déjà accordé un délai supplémentaire à la France pour ramener notre déficit sous les 3 % du PIB. À l’époque, le Gouvernement promettait d’y parvenir dès 2015. Or, si nous bénéficions aujourd’hui d’un sursis, c’est en échange d’efforts accrus sur le plan de la diminution de notre déficit structurel. Mais la réduction de notre déficit devrait se limiter à 0,1 point de PIB cette année pour qu’il atteigne 3,8 % du PIB, soit une réduction très modeste par rapport aux 3,9 % de 2014.
Surtout, cette réduction ne repose sur aucune réforme de structure. Ainsi, comme l’indique le Haut conseil des finances publiques, le relâchement de l’amélioration du solde structurel en 2015 traduit un net ralentissement de l’effort, après un point de PIB par an en moyenne lors des années 2011 à 2013 et 0,6 point de PIB en 2014.
L’observation attentive des perspectives pour 2015, dans le document que nous avons étudié en commission des finances et qu’a élaboré Mme la rapporteure générale, nous amène à un constat sévère. Les dépenses de l’État et les besoins de financement des ODAC, les organismes divers d’administration centrale, s’élevaient en loi de finances initiale 2015 à 368,8 milliards d’euros et elles sont prévues dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative à 368,7 milliards d’euros, soit une réduction de 100 millions d’euros.
Parallèlement, les dépenses des administrations publiques locales passent de 255,7 milliards d’euros en loi de finances initiale 2015 à 249,8 milliards d’euros en loi de finances rectificative 2015, soit une réduction de 5,9 milliards d’euros, ce qui confirme que l’amélioration du solde nominal de 4,1 % du PIB à 3,8 %, dans ce collectif, ne résulte que des efforts que le Gouvernement a imposés aux collectivités territoriales sans se les imposer à lui-même. Il est important de le rappeler ! C’est l’austérité que vous avez imposée aux collectivités qui assure l’essentiel de cette marge.
Selon les prévisions du Gouvernement, le principal effort serait fourni en 2016, avec un déficit public ramené de 3,8 % à 3,3 % du PIB, avant d’être réduit à 2,7 % l’armée suivante. C’est toujours pour demain, monsieur le secrétaire d’État ! Or, au regard de l’évolution de la dépense publique et faute de réformes d’envergure, l’objectif au titre de l’année 2016 et de l’année 2017 semble aujourd’hui inatteignable. La Commission européenne est, elle aussi, perplexe quant à vos prévisions pour le moins optimistes. Pour 2017, Bruxelles prévoit un déficit de 3,3 %, là où vous pensez atteindre 2,7 % du PIB.
Pour respecter vos engagements européens, vous comptez sur une accélération de la croissance, estimée à 1,5 % en 2016, et sur une élasticité des recettes de 1,3, grâce à laquelle le Gouvernement anticipe de bonnes rentrées fiscales. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Les Républicains souhaite vous alerter sur les dangers d’une conjoncture qui reste instable en raison d’un environnement économique incertain.
En effet, si les facteurs favorables à un redressement de l’activité sont toujours présents – baisse du prix du pétrole, baisse de l’euro ou politique d’achats d’actifs de la BCE –, des menaces planent sur la croissance française, qu’il s’agisse d’un ralentissement de la croissance des pays émergents, d’une contraction du commerce mondial ou de l’instabilité des marchés financiers. Comme vous le voyez, les risques sont bien réels et la moindre variation des hypothèses retenues par le Gouvernement suffirait à faire déraper le déficit ou la dette. Cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de notre situation budgétaire n’est pas responsable.
Avant d’aborder le volet fiscal de ce texte, je souhaite m’arrêter quelques instants sur l’envolée des dépenses nouvelles, dont le dérapage atteint une ampleur inégalée. Le projet de loi de finances rectificative contient 4,3 milliards d’euros d’économies de constatation et de redéploiement budgétaire. En cette fin d’exercice, nous constatons un dépassement important des crédits alloués à l’hébergement d’urgence par rapport à leur enveloppe initiale de 224 millions d’euros. De même, la politique de l’emploi a largement dérapé.
Pour lutter contre le chômage, le budget 2015 prévoyait la création de 365 000 contrats aidés. Le Gouvernement en a annoncé 113 000 de plus en juin pour un coût de 641 millions d’euros en 2015 et de 1 milliard d’euros au total. Les chiffres du chômage publiés mois après mois montrent bien que l’empilement des contrats aidés, qui coûtent cher à nos finances publiques, n’est pas la solution efficace dans la lutte contre le chômage.
Si ces ouvertures de crédits sont compensées par des annulations, il n’en demeure pas moins que cette situation illustre les difficultés du Gouvernement à respecter les arbitrages fixés et approuvés par la représentation nationale en loi de finances initiale.
J’en viens maintenant aux dispositions fiscales qui nous préoccupent. Je pense à la montée en puissance de la taxe carbone et de la hausse de la contribution au service public de l’électricité. Ces dispositifs, loin de répondre aux attentes de nos concitoyens, leur feront subir de nouvelles hausses de fiscalité.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, la majorité a voté un rapprochement entre prix du gazole et de l’essence, avec une taxation de l’essence réduite de 1 centime par litre en 2016 et celle du gazole augmentée d’autant. Or, l’article 12 de ce projet de loi de finances rectificative crée pour la première fois un écart de fiscalité entre les différents types d’essence, avec une baisse de 1 centime sur les carburants au bioéthanol et une hausse symétrique pour les autres.
Cet écart reviendra à augmenter d’un centime la fiscalité sur le gazole, à maintenir celle sur l’essence et à baisser de 2 centimes les taxes sur l’essence contenant du bioéthanol. Comme le rappelle la rapporteure générale, l’impact de cette mesure sera négatif pour les consommateurs des autres essences.
En plus de ces nouveaux ajustements, le collectif budgétaire entérine la montée en charge de la taxe carbone qui se répercutera directement sur les prix des carburants. Or, si le prix du pétrole rebondit dans les prochains mois, la taxe carbone sera de moins en moins indolore pour les Français. En effet, à la moindre remontée du prix du gazole, l’augmentation du prix sera douloureuse pour les ménages.
Ainsi, au 1er janvier 2016, les taxes sur le gazole augmenteront au total de 3,5 centimes par litre de carburant et celles sur l’essence sans plomb 95 de 2 centimes par litre. Seul le sans plomb 95 E-10 échappera à cette augmentation.
La contribution au service public de l’électricité – prélevée sur les factures des usagers – doit, elle aussi, monter en puissance l’an prochain, à hauteur de 1,1 milliard. Depuis 2012, le rythme des revalorisations de la CSPE s’est considérablement accéléré. Je tiens à rappeler qu’elle représentait 3 euros par mégawattheure en 2002 et qu’elle s’élève en 2015 à 19,50 euros par mégawattheure, soit une hausse de 550 % ! Qui dit mieux ? Mes chers collègues, ces fortes hausses successives se répercutent directement sur la facture des ménages. Selon la Commission de régulation de l’énergie, la CSPE représente actuellement environ 15 % de la facture moyenne d’un client résidentiel contre 13 % en 2014 et à peine plus de 7 % début 2012. Le coût du dispositif pour le client final a doublé depuis lors. Concrètement, le relèvement de cette taxe en 2015 a entraîné une hausse de 15 à 20 euros sur la facture d’un particulier.
Monsieur le secrétaire d’État, les députés du groupe Les Républicains ne sont pas opposés, dans son principe, à une fiscalité écologique qui va dans le sens d’une réduction des émissions de C02 ou d’un développement des énergies renouvelables. Toutefois, le signal carbone ne doit pas être un prétexte pour augmenter la fiscalité des ménages : nous regrettons que cette inflation de taxes à finalité écologique ne se fasse pas à fiscalité constante.
La réalité de ce collectif budgétaire, c’est que le péril économique s’aggrave et que la situation des finances publiques ne s’améliore pas. De plus, les chiffres du chômage pour le mois d’octobre ont été publiés : le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 42 000 ! C’est la plus forte hausse enregistrée depuis près de trois ans. On est loin de l’inversion de la courbe et des annonces faites il y a un mois. La désillusion est majeure pour votre gouvernement, qui espérait que la baisse constatée en septembre marquerait enfin le début de l’inversion crédible et durable de la courbe du chômage à laquelle François Hollande a conditionné sa candidature en 2017. Je me rappelle que M. le ministre des finances et des comptes publics – qui nous a rejoints – disait qu’il y avait une réduction de l’augmentation… Aujourd’hui, il s’agit d’une vraie poussée de l’augmentation.
Dès lors, le rejet préalable de votre collectif budgétaire s’impose.