à l'Assemblée nationale
Intervention pour défendre la motion de renvoi en commission du Projet de Loi de Finances pour 2016
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Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre des finances, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de finances pour 2016, qui est, monsieur le ministre, votre dernier budget complet du quinquennat.
C’est la dernière chance de votre majorité de mettre en œuvre votre stratégie économique. La question que je me pose d’ailleurs à ce stade est la suivante : avez-vous une stratégie et quelle est-elle ? Les revirements, les renoncements qui ont émaillé la préparation de ce budget marquent l’absence totale de cap de ce gouvernement. Pourtant, monsieur le ministre, vous parlez de sérieux budgétaire. Quelle constance !
Ce texte résume les travers d’un pouvoir à bout de souffle, incapable de redresser une situation dont il porte l’entière responsabilité, contrairement à ce qu’on a pu entendre dire tout à l’heure. Notre économie paie encore les erreurs des deux premières années de votre quinquennat, au cours desquelles les hausses massives de prélèvements ont anéanti toute perspective de reprise durable en France.
Ce budget marque à nouveau l’éclatement de votre majorité. À travers ce texte, le Gouvernement adresse une fin de non-recevoir à ses frondeurs, qui voulaient, eux, un changement de politique budgétaire. Aurons-nous, monsieur le ministre, un débat ouvert sur le sujet ? Ce budget est à l’image du quinquennat : il est mensonger, il est irresponsable et il est insoutenable. Il est mensonger : les prévisions sur lesquelles repose cette loi de finances sont clairement surestimées.
Monsieur le ministre, vous avez, lors de la présentation de ce texte en commission des finances, assuré que ce budget 2016 était bâti sur du solide. Nous n’avons pas la même conception du solide. Je ne bâtirai pas ma maison sur du sable, et vous c’est le budget de la France que vous avez bâti sur du sable.
Vous avez également dit que l’exécution 2015 s’annonçait en ligne avec vos attentes et des prévisions de croissance prudentes pour 2016. Le Haut Conseil des finances publiques ne semble pas partager cette opinion puisqu’il estime que l’hypothèse de croissance de 1,5 ne peut plus être qualifiée de prudente. Il explique que l’environnement économique est plus qu’incertain, compte tenu du ralentissement en Chine et des difficultés dans d’autres pays émergents. Voilà la première réalité dont vous n’avez pas tenu compte.
Le Haut Conseil des finances publiques a également pointé des risques significatifs sur les objectifs d’économies affichés par le Gouvernement. J’y reviendrai plus longuement.
Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques craint un dérapage des dépenses. Hors inflation, votre gouvernement table sur une croissance de 0,3 % en volume de la dépense publique, après une progression de 0,9 % cette année. Cet objectif est jugé par les sages particulièrement ambitieux, sachant que les économies doivent couvrir à la fois les baisses d’impôts, la baisse des cotisations sociales, les dépenses nouvelles, et devraient permettre de diminuer le déficit structurel, c’est dire !
Enfin, alors que le Gouvernement a mis l’accent sur son plan d’économies de cinquante milliards d’euros pour 2015-2017, le Haut Conseil a pointé la multitude de dépenses nouvelles annoncées par votre gouvernement, les effectifs de sécurité, le service civique, les contrats aidés, les aides au monde agricole, les aides aux migrants, l’aide à l’investissement local sans que les économies prévues pour les financer soient détaillées. C’est une des raisons qui justifient cette motion de renvoi en commission.
Votre budget est mensonger parce qu’il sous-estime les annonces de l’INSEE relatives à la croissance. En effet, le 14 août dernier, l’INSEE a annoncé une croissance nulle au deuxième trimestre 2015, l’un des plus mauvais chiffres d’Europe. Monsieur le ministre, vous avez pourtant essayé de minorer ce résultat en déclarant que la France était en reprise d’activité, en reprise de croissance.
Nous connaissons votre optimisme, mais il ne suffit pas d’annoncer des prévisions pour changer les réalités. Si l’objectif de 1 % de croissance reste statistiquement à portée de main pour 2015, ce n’est pas avec une telle reprise que la deuxième économie de la zone euro pourra rebondir. Le chômage risque de rester durablement très élevé. Notre modèle social sera toujours financé par la dette.
La croissance serait d’ailleurs bien plus mauvaise si nous n’avions pas bénéficié de soutiens macro-économiques majeurs : des taux bas, un euro faible et un contre-choc pétrolier inédit depuis trente-cinq ans. Ce cocktail a d’ailleurs permis d’alimenter le feu de paille du premier trimestre 2015, avec un taux de croissance de 0,7 %.
Monsieur le ministre, vous devez vous attaquer aux principales raisons de cette croissance molle : le manque de confiance dans le cap suivi, le poids des prélèvements et des dépenses publics et l’absence de réforme de fond de notre système d’État-providence.
Enfin votre budget est mensonger parce qu’il prévoit la création de trois nouvelles taxes pour le financement des centres techniques industriels, l’augmentation de taxes existantes pour le financement de l’aide juridictionnelle et de l’audiovisuel public, alors même, dois-je vous le rappeler, que le Président de la République avait promis qu’il n’y aurait plus de nouvelles taxes ni de hausses d’impôts d’ici la fin du quinquennat.
Il est vrai que c’est un peu détourné, cela ne concerne pas tous les Français, mais il y a dans ce projet de loi de finances de nouvelles taxes, c’est indéniable. Donc c’est un mensonge.
Plus grave encore, ce budget 2016 est totalement irresponsable au regard des mesures fiscales qu’il contient. En effet les quelques baisses d’impôts qu’il prévoit n’effaceront pas la véritable frénésie fiscale des premières années de ce quinquennat.
Depuis 2012, les ménages ont consenti près de dix milliards d’euros de hausses d’impôts au seul titre de l’impôt sur le revenu, du fait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal retiré du quotient familial de 2 336 euros à 1 500 euros, la fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé, la fiscalisation des majorations de pension pour charge de famille, la poursuite en 2013 du gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous aviez condamné en 2012 mais que vous avez reconduit en 2013, l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital et la création d’une tranche à 45 %.
La seule chose que vous avez améliorée, c’est que vous avez substitué le bouclier fiscal au plafonnement de l’ISF. Sur ce point les gros contribuables ont plutôt bénéficié de votre générosité.
Cette annonce présidentielle d’une réduction de l’impôt sur le revenu apparaît comme une promesse électoraliste. La chronologie parle d’elle-même.
Le 14 juillet dernier, le Président de la République conditionnait une baisse d’impôts en 2016 aux possibilités économiques de notre pays et à un accroissement de la croissance, ce sont les termes mêmes employés par le Président de la République. Il l’a répété le 20 août dernier au cours d’une interview. Finalement cette condition a été levée dans une grande confusion quelques heures après.
La réalité aujourd’hui c’est que la baisse d’impôt arrive alors que la croissance n’est pas au rendez-vous et qu’on ne peut pas dire que les possibilités économiques soient merveilleuses.
Hasard du calendrier, cette annonce surprise du chef de l’État est intervenue à la veille de l’université d’été du parti socialiste, alors même que les dissensions au sein de la majorité sont grandes au sujet de la politique budgétaire, voire la politique en général.
À la fin du mois de juillet, le bureau national du parti socialiste a adopté un rapport recommandant de réorienter une partie des aides aux entreprises du pacte de responsabilité, 41 milliards, vers les ménages et vers l’investissement public.
François Hollande multiplie les gestes démagogiques pour préparer 2017. Si la réduction de la pression fiscale est impérative pour redresser le pays, encore faut-il s’en donner les moyens. Or le chef de l’État redistribue à crédit, alors même qu’il n’a pas su restaurer les conditions d’une reprise durable.
En réalité la majorité n’engage pas d’effort de rigueur supplémentaire ; elle finance ce geste uniquement par la dette.
Cette annonce traduit l’extraordinaire légèreté du Gouvernement en matière fiscale, qui décide de hausses ou de baisses en fonction des nécessités politiques du moment. On voit bien que cette annonce précède les élections régionales et qu’on est en train de préparer les échéances de 2017. C’est très clair.
Cette baisse de l’impôt sur le revenu de 2,1 milliards pour huit millions de foyers fiscaux soulève la question de son « hyperconcentration ». Bercy a d’ailleurs précisé que 500 000 foyers sortiront du champ de l’impôt et qu’autant de foyers n’y entreront pas. Un million de foyers en dehors du champ de cet impôt, c’est quand même assez important.
Des deux principes de la fiscalité française que sont la progressivité de l’impôt et sa familiarisation, vous aviez réussi à ruiner le second ; aujourd’hui vous ruinez le premier.
Ce n’est pas acceptable, d’autant que les revenus moyens et supérieurs sont appelés à contribuer davantage, à proportion de la réduction du nombre de foyers imposables.
Force est de constater que les gestes fiscaux de ces dernières années n’ont eu vocation qu’à diminuer le nombre de contribuables soumis à l’impôt. Seuls 46,4 % des foyers fiscaux payeront l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2015.
Cette mesure exclut une nouvelle fois les classes moyennes et moyennes supérieure, tout comme en 2014 et en 2015. Il s’agit des ménages gagnant plus de 3 000 euros par mois pour un célibataire et 4 500 euros par mois pour un couple soumis à imposition commune. Ce sont pourtant eux qui ont supporté les trois quarts des hausses d’impôts que vous avez assénées au pays.
Au-delà de cinquante mille euros de revenus nets annuels, soit 4 166 euros par mois, un couple marié avec deux enfants, sans complémentaire santé via l’entreprise, devra acquitter une note d’impôt sur le revenu plus élevée en 2016 qu’en 2012, vous voyez que je suis capable de me référer à 2012, monsieur le ministre, puisque la facture sera alourdie de 159 euros par an.
C’est une erreur, et cette erreur sera le sceau qui marquera profondément votre mandat. Il a été prétendu tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, que l’histoire retiendrait le fait que vous avez réduit les déficits publics. Non, monsieur le ministre, l’histoire ne retiendra pas que vous avez réduit les déficits. Ce que l’histoire retiendra, c’est uniquement la pression fiscale insupportable que vous avez fait peser sur les Français.
On vous l’avait dit en 2013 et on vous l’a redit en 2014. On vous le redit depuis le début de l’année. Chacun des membres de cette assemblée a reçu dans sa permanence des personnes âgées, des célibataires, des jeunes ménages avec enfants touchant de faibles revenus ou des revenus moyens qui n’ont pas du tout compris quelle était la vision du Gouvernement sur leurs revenus et ça c’est inacceptable.
En 2013, 3,7 millions de foyers fiscaux, c’est-à-dire 10 % du total, ont payé 70 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu.
Comme le président de la commission des finances l’a très bien dit, vous prenez avec cette disposition le risque que les exilés fiscaux soient définitivement perdus pour les caisses publiques. C’est un vrai danger, qui va provoquer à terme une certaine instabilité dans nos recettes fiscales.
Depuis 2011, les recettes liées à l’impôt sur le revenu ont augmenté de 20 milliards, soit une hausse de 35 %. Autrement dit, le même nombre de contribuables se partagent 20 milliards d’impôts supplémentaires. C’est cela, la réalité : les Français la comprennent bien, ils l’ont vue et mesurée.
Quid de la justice fiscale ? J’ai retrouvé vos premières déclarations : dans les trois premières années, on n’entendait parler que de justice, sociale ou fiscale. On a mis la justice à toutes les sauces ! Nous le dénoncions, vous parliez trop de justice. Vous procédiez surtout à l’affichage de la justice, parce que la vraie justice, ce n’est absolument pas ce que les Français ont ressenti.
Ce ciblage incite les contribuables à quitter le pays, comme en témoigne l’augmentation du nombre de départs à l’étranger de ménages dont le revenu est supérieur à 300 000 euros : 251 départs en 2011, 450 en 2012, 659 en 2013. Je n’ai pas à ce jour les chiffres de 2014 et encore moins ceux de 2015, mais j’imagine que nous allons constater une accélération de ce mouvement.
Ce sont là des pertes de recettes, de la consommation en moins, ce qui ne va pas relancer notre croissance, parce que c’est une perte définitive pour nos finances et pour notre pays. En conséquence, l’impôt sur le revenu a d’ailleurs rapporté 7 à 8 % de moins que prévu en 2013 et en 2014.
Malgré les annonces de baisse d’impôt, le taux de prélèvement obligatoire va très peu refluer l’an prochain : il passera de 44,6 à 44,5 %. Ce phénomène s’explique par la montée en puissance d’impôts déjà votés comme la taxe carbone, l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, la hausse des cotisations retraite.
Pour financer ces mesures, le Gouvernement annonce un plan de 16 milliards d’économies aussi imprécises qu’hypothétiques. Il prévoit par exemple un effort de 185 millions d’euros sur les aides au logement, pour 46 milliards dépensés en faveur du logement.
L’effort sera partagé entre l’État et ses opérateurs. Les collectivités locales seront mises à contribution à hauteur de 3,5 milliards, les opérateurs y laisseront 5,1 milliards, les régimes sociaux 7,4 milliards, dont 3,4 pour la seule assurance maladie.
Je tiens à préciser qu’une grande partie des économies n’est pas incluse dans le projet de budget : c’est au cours du débat parlementaire qu’apparaîtront les coupes dans les budgets des ministères.
Les principales économies concernent toujours le prélèvement européen et les taux d’intérêt, phénomènes extérieurs dont vous êtes les heureux bénéficiaires.
Ce budget est irresponsable parce qu’il prévoit une baisse de 9 milliards des prélèvements sur les entreprises qui prendra effet tardivement.
Depuis maintenant trois ans, le Gouvernement ne cesse de prendre des mesures dangereuses pour les entreprises.
Les mesures anti-entreprises mises en œuvre depuis l’arrivée de François Hollande ont eu un impact désastreux sur l’emploi. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le Gouvernement ne cesse d’envoyer des messages contradictoires aux entrepreneurs.
Soit on accompagne les entreprises, soit on les matraque fiscalement, c’est ce qui a été fait, de façon sans précédent, depuis trois ans. À travers ce budget, les entreprises bénéficieront de 33 milliards en 2016, aux titres du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du Pacte de responsabilité.
Toutefois, on peut s’interroger sur la capacité du Gouvernement à tenir tous les engagements pris pour 2017.
Les allègements de charges ne prendront effet qu’au 1er avril seulement, comme l’a expliqué M. le ministre, au lieu du 1er janvier. C’est effectivement une économie de 1,3 milliard.
Retarder une dépense de trois mois, c’est bien une économie, même si on ne le fait qu’une fois. Vous en avez fait l’aveu, elle servira à financer les autres mesures annoncées. Vous auriez pu et dû faire toutes les annonces en même temps, c’eût été plus logique.
Cette somme de 1,3 milliard servira à financer les mesures annoncées en faveur des entreprises dans le courant de l’année, comme le sur-amortissement ou l’aide aux TPE en faveur de l’embauche d’apprentis.
C’est pour le Gouvernement une façon de compenser le coût des mesures en faveur de l’investissement dans les PME. Mais ce report de trois mois des allègements de cotisations sociales patronales est un très mauvais signal, qui entame la confiance des chefs d’entreprise dans la stabilité des choix politiques.
On ne peut faire des annonces et revenir dessus de façon détournée par un décalage de trois mois.
Enfin, ce budget est irresponsable en ce qu’il prévoit une baisse radicale des dotations aux collectivités locales.
Pour la troisième année consécutive, ce projet de loi de finances pour 2016 entérine une réduction des concours financiers de l’État aux collectivités, à hauteur de 3,67 milliards d’euros. En 2016, le montant des dotations apportées aux collectivités sera égal à 33,108 milliard, en recul de 9,6 % par rapport à 2015. Cette diminution de 3,67 milliards risque d’entraîner certaines collectivités dans des situations financièrement insoutenables. Je pense à certains départements qui, aujourd’hui, ne peuvent plus financer le revenu de solidarité active.
Si vous vouliez bien que nous retournions en commission, nous pourrions y étudier l’impact de trois mesures phares, liées à des compétences propres de l’État : le handicap, l’allocation personnalisée d’autonomie et le RSA.
Je voudrais que vous regardiez précisément quel est l’impact de ces mesures sur les départements.
Depuis plusieurs années déjà, on observe un effet de ciseaux : l’État compense de moins en moins ces politiques-là et voici que vous coupez dans les dotations qui permettaient de les financer.
Or ce sont des politiques sociales à destination de tous et des mesures de justice puisque vous êtes attachés à la justice.
Cette baisse, d’un niveau inédit, sans concertation, cela vous a été beaucoup reproché, va mettre à mal les budgets de certaines collectivités. Vous montrez du doigt la gabegie financière. Effectivement, monsieur le ministre, les collectivités les plus dépensières sont les moins affectées par vos baisses de dotations : c’est tout de même paradoxal, j’y reviendrai.
Entamée en 2014, la baisse des dotations de l’État doit représenter sur quatre ans un manque à gagner de 28 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, dont près de 16 milliards pour les communes de France.
Votre Gouvernement ne semble pas mesurer l’impact négatif de cette baisse sur l’investissement des collectivités locales, qui représente 70 % des investissements publics et soutient massivement certains secteurs, comme le bâtiment et les travaux publics.
Les dépenses d’urgence annoncées récemment, qu’il s’agisse d’aider les réfugiés ou les agriculteurs, et dont le montant total est évalué entre 600 millions et 1 milliard, ne sont pas intégrées dans ce budget, ou du moins n’y apparaissent pas lisiblement.
Ce budget est donc mensonger et irresponsable ; il se révèle en outre insoutenable, compte tenu de son absence de perspectives, de son incapacité à engager des réformes de qualité qui puissent sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il est plongé depuis trop longtemps.
Selon les prévisions du Gouvernement, le déficit public s’élèvera à 3,8 % du PIB en 2015 et à 3,3 % en 2016. Si l’objectif de 2015 est pratiquement acquis, je vous en donne quitus, monsieur le ministre, celui de 2016 semble difficile à atteindre.
Le déficit du budget de l’État représentera 72 milliards d’euros, contre 73 milliards l’année dernière. La réduction du déficit sera très modeste en 2015 : 3,8 % du PIB contre 3,9 % en 2014.
Notre déficit public reste nettement supérieur à la moyenne de la zone euro, dont je rappelle qu’elle s’établissait à 2,4 % en 2014 et 2,9 % en 2013.
Au regard de l’évolution de la dépense publique, et faute de réformes d’envergure et courageuses, l’objectif pour 2016 est impossible à atteindre.
La France reste le malade de l’Europe, comme l’a dit Hervé Mariton. Je ne sais si elle est malade ou mauvaise élève, mais la France a aujourd’hui un problème au sein de l’Europe en raison du niveau de son déficit public.
La réduction du déficit structurel n’est que de 0,4 % en 2015 et de 0,5 % en 2016. Ces chiffres sont problématiques, parce que la France en 2015 sera en dessous du minimum requis par le Pacte de stabilité.
Pour 2016, la France sera encore à la traîne par rapport à l’objectif assigné par nos partenaires européens.
La France s’est pourtant engagée, et c’est un engagement de notre pays dont nous sommes tous comptables, auprès de la Commission européenne à réduire son déficit à 3,8 % du PIB en 2015 et à 3,3 % en 2016.
Le compte n’y est pas, monsieur le ministre. Si par souci de crédibilité, la majorité ne peut revenir sur ces objectifs de déficit public, il ne reste alors que peu de paramètres sur lesquels intervenir dans l’équation budgétaire. Le Gouvernement ne veut pas revenir sur les baisses de charges des entreprises, ce qui me paraît logique, même s’il y a une forte opposition à l’aile gauche du PS.
La solution pourrait passer par des économies supplémentaires, mais lesquelles ? Le Gouvernement doit trouver 5 milliards d’euros supplémentaires pour 2016, afin de respecter son objectif de réduction de la dépense publique. Il vous faut compenser les effets de la faible inflation, d’autant que vos économies sont promises, monsieur le ministre, mais pas toujours réelles.
Même la rapporteure générale l’a admis avec une honnêteté intellectuelle qui l’honore : un quart des économies promises en 2016 n’est pas totalement connu.
Or, dans le même temps, monsieur le ministre des finances, vous parlez de « ralentissement sans précédent » de la dépense publique !
Préciser le niveau des dépenses publiques justifierait un retour en commission.
L’OCDE, d’ailleurs, a baissé sa prévision de croissance pour la France. Vous me direz qu’elle ne passe que de 1,5 à 1,4. Oui, mais 0,1 point peut avoir des conséquences sur le budget quand on en a vraiment besoin.
Ce budget est insoutenable car à la fin du deuxième trimestre, la dette publique s’établit à 97,6 % du PIB, soit 2 105 milliards. Elle est en hausse de 16 milliards par rapport au trimestre précédent et ce niveau d’endettement, au milieu de l’année, est déjà supérieur à celui que le Gouvernement visait à savoir, 96,3 %.
Ce budget est insoutenable car il prévoit d’augmenter les effectifs de la fonction publique d’État : 8 304 postes de fonctionnaires vont êtres créés en 2016, une première depuis 14 ans !
Puisque vous aimez citer les chiffres antérieurs à 2012, monsieur le ministre, je viens vous préciser qu’entre 2007 et 2012, ce sont près de 150 000 postes de fonctionnaires publics d’État qui ont été supprimés. Vous voyez, les réalités sont tout de même très différentes.
Alors que les effectifs étaient en baisse depuis 2012, François Hollande renonce à un engagement de campagne tendant à les stabiliser, pris à Orléans le 29 juillet 2012.
Les ministères de l’éducation nationale et de la défense seront les principaux bénéficiaires. Les autres ministères verront la suppression de 3 939 équivalents temps plein, dont plus de la moitié concernent le ministère des finances.
Je voudrais revenir sur trois articles, monsieur le ministre. Ainsi, l’article 14 tend à fixer la contribution des organismes aux finances publiques. Il est facile de prendre dans la poche de tout le monde ! Ce sont des opérateurs, on les taxe ! Les agences de l’eau verseront 175 millions d’euros ! Mais quand, dans vos communes, vous aurez des conduites en plomb, ou des conduites à changer, et que l’agence de l’eau ne sera pas en accompagnement, vous allez trouver là de réelles difficultés en matière d’eau et d’assainissement.
En revanche, et c’est un paradoxe que vous devrez m’expliquer, vous ne touchez pas au Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, ni à son fonds de roulement, ni à son flux. Il est totalement épargné, je crois que c’est le seul organisme à ne pas avoir été purgé d’une quelconque manière.
D’autres organismes, notamment les chambres de commerce, sont quant à eux à nouveau douloureusement ponctionnés cette année.
Enfin, très honnêtement, je me suis demandé comment il était possible de se retrouver dans cet article 14, qui ne compte pas moins de 51 alinéas : c’est vous dire ! Il serait intéressant de disposer d’un chiffre global parce que personne ne s’y retrouve !
L’article 11 concerne l’élargissement du Fonds de compensation pour la TVA, que vous ouvrez aujourd’hui aux travaux d’entretien dans les bâtiments publics. Cela signifie donc que vous soutenez la filière du bâtiment, mais celle des travaux publics n’aurait pas besoin de l’être ? Ne pensez-vous pas que les baisses des dotations ont eu un impact sur les deux filières ? Vous en avez pris conscience et c’est très bien.
Je ne m’étendrai pas sur l’analyse de l’article 34 mais, là encore, un retour urgent en commission s’impose. Vous y engagez le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu pour une mise en œuvre en 2018, très bien, mais nous ne savons pas quand ses modalités seront examinées, même si vous insinuez déjà la notion de progressivité de la CSG.
Tout cela est lacunaire et inacceptable. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains demande le renvoi en commission de ce texte approximatif. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cette motion.