à l'Assemblée nationale
Intervention lors de la relecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014
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Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous nous retrouvons, aujourd’hui, pour débattre en nouvelle lecture d’un texte qui a été rejeté par le Sénat et sur lequel la commission mixte paritaire n’a pu s’accorder. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 souffre, n’en déplaise à la majorité, monsieur le secrétaire d’État, des mêmes tares qu’en première lecture. Après l’adoption de soixante-neuf amendements en première lecture à l’Assemblée nationale, ce projet de loi de finances rectificative, qui ne comprenait, outre l’article liminaire, que six articles à l’origine, s’en est vu ajouter vingt-neuf nouveaux. C’est dire à quel point on a considérablement modifié ce texte !
Cela montre deux choses : d’une part, l’impréparation de ce texte ; d’autre part, l’activité et la détermination des frondeurs. Le gouvernement Ayrault avait augmenté impôts et charges de manière démesurée, on l’a dit et redit. Cette augmentation pesait à hauteur de 28 milliards d’euros sur les entreprises et, selon les calculs de Mme la rapporteure générale du budget, à hauteur de 20 milliards d’euros sur les ménages. C’est dire !
L’ajustement auquel vous procédez en matière fiscale manifeste tardivement que votre politique a bien affecté, d’abord, les classes modestes et les classes moyennes. Par l’article 1er, vous signez un aveu.
La Cour des comptes a souligné « les limites d’une stratégie concentrée trop exclusivement sur l’augmentation des recettes ». Cette stratégie a provoqué un affaiblissement des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés en 2013 et de la TVA en 2012 et en 2013.
Aujourd’hui, le gouvernement Valls réduit l’impôt sur le revenu de 4 millions de foyers fiscaux ; 1,7 million sortent du barème de l’impôt sur le revenu, alors que le gouvernement précédent les y avait fait entrer. Vous faites un geste fiscal à l’égard des ménages modestes ; soit, mais c’est bien parce que vous les avez fait entrer dans l’impôt en refiscalisant les heures supplémentaires – 200 000 foyers concernés en année pleine –, en baissant le plafond du quotient familial, en intégrant dans le revenu la participation de l’employeur à la complémentaire santé, sans oublier la fiscalisation des 10 % de retraite supplémentaires pour les personnes qui ont eu au moins trois enfants. Ce sont 340 000 foyers qui sont concernés par cette dernière mesure.
Votre gouvernement est celui des records, n’en déplaise à la majorité. On relève 395 000 chômeurs supplémentaires, c’est un premier record que vous détenez. Une dette qui avoisine les 2 000 milliards d’euros, c’en est un deuxième, et cela représente environ 30 000 euros par habitant.
Selon la Commission européenne, le déficit commercial de notre pays s’aggrave. La trajectoire budgétaire dérape. Le déficit public s’établirait à 3,8 % du PIB dans le meilleur des cas, au lieu des 3,6 % initialement prévus. Le mécanisme de correction budgétaire est désormais déclenché. Vous nous annoncez 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, et vous affirmez poursuivre l’assainissement des finances publiques en le fondant sur des économies de dépenses, mais la réalité de ces 50 milliards d’euros d’économies reste très mystérieuse.
Il faudrait près de 17 milliards d’euros d’efforts par an pour atteindre l’objectif annoncé. À part les baisses de dépenses liées à la diminution de la charge d’intérêts de la dette, qui dépendent des marchés, et la baisse des dotations aux collectivités territoriales, où sont les réelles économies ? Quand mettrez-vous en application les préconisations de la Cour des comptes, dont vous devriez vous inspirer aujourd’hui ? Quand mettrez-vous en application les injonctions de la Commission européenne ?
Je voudrais vous faire un petit rappel, puisque vous nous reprochez d’être frappés d’amnésie. Je voudrais rappeler à la majorité – j’en parlais tout à l’heure avec mon collègue Vigier – que la TVA compétitivité, que nous avions adoptée avec les transferts de prélèvements sociaux et qui devait entrer en vigueur dès l’année 2013, aurait dû rapporter aux entreprises, directement, 13 milliards d’euros par an ; 13 milliards d’euros dès 2013, c’était à la fois plus fort et plus tôt, au profit de l’emploi !
Vous ne pouvez pas parler sans cesse du problème de l’emploi sans regarder ce que vous avez cassé à votre arrivée en 2012.
Et puis, lorsqu’on parle de finances publiques, normalement, trois principes s’imposent : l’équilibre, du moins pour les finances locales, l’annualité et la sincérité. Je ne parlerai pas de l’équilibre – il y a longtemps que l’État s’est affranchi de cette obligation – et nous nous inscrivons bien dans une perspective d’annualité, mais, quant à la sincérité, trois éléments me font dire, aujourd’hui, que ce budget est insincère : tout d’abord, l’hypothèse d’une croissance du PIB de 1 %, que vous maintenez pour l’année 2014 alors qu’on sait très bien que c’est irréaliste ; ensuite, l’ajustement des prévisions de recettes fiscales, dont vous estimez qu’elles seront inférieures de 5,3 milliards à ce qui était annoncé en loi de finances initiales, alors que l’écart sera plus important, et c’est la Cour des comptes qui le dit ; enfin, la prévision d’un déficit de 3,8 % du PIB est très certainement optimiste, ce qui pourrait représenter un handicap considérable pour le niveau des taux d’intérêt.
Votre majorité, le Gouvernement, le Président de la République seraient bien avisés, monsieur le secrétaire d’État, de faire preuve de courage dans les actes, et de sortir enfin de ces grandes déclarations, de ces éléments de langage qui, au fond, nous paraissent chaque jour plus éloignés de la réalité que connaissent les Françaises et les Français.