à l'Assemblée nationale
Intervention lors de l'étude du projet de loi de Finances Rectificatives pour 2016
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M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je voudrais, à titre liminaire, adresser quelques remerciements. Ma reconnaissance va tout d’abord au président de la commission des finances, qui a su mener ces débats, depuis maintenant des mois et même des années, avec mesure et une grande compétence. Je voudrais également remercier la rapporteure générale pour son ouverture d’esprit et, surtout, pour son travail sur le fond, qui a été très souvent utile à la commission des finances. Mes remerciements vont également aux différents services de l’Assemblée nationale, notamment aux administrateurs de la séance, aux présidents de séance successifs, aux administrateurs et aux agents de la commission des finances, que nous avons aussi beaucoup mis à contribution, et enfin, bien sûr, à nos collaborateurs, car ce sont des personnes avec qui nous travaillons en totale confiance, et nous en avons besoin.
Cela a été dit, mais il faut le rappeler : nous avons passé 24 heures en séance publique et examiné 745 amendements dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative. Nous arrivons au terme d’un ultime marathon budgétaire : ce texte est le dernier, le « der des ders » de cette législature, et il est, à l’image de ce quinquennat, entaché d’insincérité.
Le Sénat a rejeté votre projet de loi de finances rectificative pour 2016, principalement pour quatre motifs.
Premièrement, vous maintenez l’objectif de déficit public au niveau que vous aviez prévu à l’origine. Or, vous le savez pertinemment, il ne sera pas atteignable ; il eût fallu le revoir.
Deuxièmement, l’exécution du budget 2016 se caractérise par l’ampleur des mesures nouvelles, des sous-budgétisations, qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d’avance sans précédent, et pas uniquement, madame la rapporteure générale, au titre de mesures ayant trait à la sécurité des Français. Les dépenses ont dérapé, notamment celles liées à la masse salariale de l’État, c’est un constat, vous ne pouvez le nier. Cela nous permet d’affirmer que les dépenses sont, a minima, sous-estimées. Même le Haut conseil des finances publiques le reconnaît, en évoquant textuellement, dans son avis du 14 novembre 2016, « l’ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont atteint en 2016 un niveau sans précédent » ; c’est dire à quel point ce défaut de votre texte a été mis en lumière.
Troisièmement, les économies sont exclusivement des économies de constatation ; elles ne sont pas réelles. Vous affirmez ainsi que vous faites baisser les dépenses par rapport au tendanciel. Mais tout le monde peut faire des économies de la sorte, sur le papier.
Quatrièmement, en nouvelle lecture, vous avez rétabli différents articles, notamment celui qui ratifie les décrets d’avance. Or le recours croissant aux décrets d’avance suscite, de notre part, de fortes interrogations. Vous ne pouvez nier que c’est une pratique totalement dérogatoire au principe de l’autorisation parlementaire des dépenses. En 2016, 4,7 milliards ont été ouverts en autorisations d’engagement et 3,4 milliards en crédits de paiement, dans le cadre des décrets d’avance. C’est un record historique, dont vous pourrez être fiers à l’avenir.
Permettez-moi de revenir sur deux dispositions.
D’abord, l’article 13 a pour principal objet de créer une nouvelle procédure de contrôle fiscal des entreprises : « l’examen de comptabilité ». Il s’agit d’un contrôle fiscal à distance, réalisé à partir des données comptables envoyées par l’entreprise. Ce faisant, vous allez complexifier le contrôle fiscal, aussi bien pour les entreprises que pour les administrations. Je crains que cette nouvelle procédure ne remette en cause le caractère contradictoire du contrôle : faute d’un face-à-face entre le contribuable et le vérificateur, le dialogue se trouvera réduit à peu de chose. Vous avez communiqué, il y a un an et demi, à propos de votre volonté de voir les contrôles fiscaux s’opérer de manière plus apaisée ; il n’est pas sûr, monsieur le secrétaire d’État, que le chemin pris aujourd’hui aille en ce sens.
Ensuite, l’article 35 crée une nouvelle taxe : la contribution pour l’accès au droit et à la justice. Je voudrais vous rappeler que ce dispositif est contraire à l’engagement pris par le Président de la République de ne pas créer de nouvelle taxe. Le nouveau dispositif constitue une application de l’article 50 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui avait prévu le financement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice par une taxe acquittée par les officiers publics ou ministériels sur certains actes. L’institution de cette taxe avait toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a proposé de supprimer l’article 35. De nombreuses incertitudes planent notamment sur le montant et les destinataires de ce fonds. En nouvelle lecture, d’ailleurs, une députée de votre majorité a déposé un amendement visant à préciser et à encadrer les utilisations de ces crédits ; c’est complètement ubuesque. De manière générale, tous les professionnels, qui devaient théoriquement être les bénéficiaires des sommes affectées à ce fonds, ont clairement déclaré leur opposition à la mesure. Aussi, je vous repose la question, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi tant d’acharnement envers ces professions ? pourquoi « ubériser » ce secteur d’activité utile pour nos concitoyens, par les conseils qu’il leur prodigue ?
Le Sénat a adopté une question préalable pour sanctionner ce texte et la gestion des finances publiques désastreuse que vous avez menée sous cette législature.
Mon groupe se rallie à la position du Sénat et votera bien évidemment contre votre projet de loi de finances rectificative.