Mme la présidente.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz.
En l’espace de deux mois, vous avez été obligée, madame la Première ministre, de déclencher six fois l’article 49.3, en engageant la responsabilité de votre gouvernement. Lors de votre déclaration de vendredi soir, vous avez dit que ce n’était pas un acte banal.
Je vous le confirme. Malheureusement pour notre pays, cela le devient.
Tout le monde le sait, Michel Rocard fut le champion de la Ve République du 49.3. Son gouvernement a eu recours à ce droit constitutionnel vingt-huit fois en l’espace de trois ans. Mais contrairement à vous, il avait attendu huit mois pour déclencher son sixième 49.3. Au rythme où vous allez, vous le détrônerez très rapidement.
Les membres du groupe Les Républicains regrettent cette situation.
Alors que durant l’été, nous avons voté les textes que vous avez présentés – projet de loi de finances rectificative (PLFR), projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat –, puisque vous aviez accepté nos propositions visant à les améliorer, vous avez préféré cette fois rejeter en bloc les suggestions de notre groupe. Contrairement à ce que vous avez dit vendredi soir, nous étions loin de trouver un accord sur vos projets budgétaires.
Pour justifier ce sixième 49.3, vous avez également invoqué l’obligation de respecter les délais constitutionnels relatifs à l’adoption des textes budgétaires.
Mais comment avons-nous respecté ces délais les années précédentes sans recourir au 49.3 ?
Plus grave, votre gouvernement a participé jeudi soir à une procédure d’obstruction des travaux de l’Assemblée nationale.
Alors que dans notre régime parlementaire rationalisé, la Constitution donne des pouvoirs démesurés au Gouvernement – le 49.3 ; le vote bloqué ; la seconde délibération – vos ministres ont soutenu, pire, ont participé à une obstruction parlementaire par amendements et sous-amendements sur la proposition de loi visant à réintégrer les soignants non vaccinés. Ils ont ainsi déposé hors délai un amendement tendant à supprimer l’article 2, afin de permettre aux parlementaires de la majorité de déposer d’innombrables amendements. Les députés de la majorité ont également déposé plus de 150 sous-amendements à un amendement d’un député de l’opposition.
Lorsque la majorité et le Gouvernement ont compris que cette manœuvre était vouée à l’échec, puisque cet amendement n’allait pas être défendu, ce qui aurait eu pour effet de faire tomber automatiquement les 150 sous-amendements, votre ministre de la santé a pris la parole pour un discours fleuve, afin de donner le temps à ses équipes de déposer le même amendement pour récupérer ces innombrables sous-amendements. C’est intolérable !
Ce triste épisode nous a au moins appris une chose. L’obstruction parlementaire est un outil dont dispose la minorité pour se faire entendre et bloquer les débats : votre gouvernement et votre prétendue majorité ont ainsi implicitement reconnu leur état de minorité dans ce parlement.
Nous espérons, madame la Première ministre, que cet épisode restera anecdotique, qu’il a été le fait de quelques conseillers de l’ombre trop zélés et trop contents de faire un coup politique minable.
Quant au fond de ce PLFSS, sur lequel vous avez engagé votre responsabilité, je maintiens les propos de l’excellent Yannick Neuder vendredi soir et la position de notre groupe. Oui, nous aurions résolument voté contre ce projet, car il est insincère.
Vous avez bien présenté une rallonge de 10 milliards de l’Ondam – objectif national de dépenses d’assurance maladie – et une rallonge de plusieurs centaines de millions d’euros pour l’hôpital pour l’année 2022. Toutefois, vous restez loin du niveau de l’inflation pour 2022, tout comme de celui prévisible pour 2023. Il sera difficile pour les établissements de maintenir le cap. Vous leur demandez en réalité de réaliser des économies alors que la facture énergétique explose.
Les prévisions concernant le covid sont également insincères. Alors que nous redoutons une neuvième vague épidémique, vous n’avez budgété que 1 milliard d’euros pour les tests covid et la vaccination pour 2023 – c’était 11 milliards pour 2022. Le covid aurait-il disparu pour vous ?
Pensez-vous qu’il n’existera plus en 2023 ?
Ou bien comptez-vous dérembourser les tests et les vaccins ? C’est peut-être le projet, monsieur Balanant.
Enfin, ce PLFSS est insincère car il ne prévoit rien pour la branche vieillesse, qui est pourtant la seule dont le déficit augmentera très fortement, en passant de 3,5 milliards d’euros en 2023 à 15,9 milliards d’euros en 2026. La faute à Emmanuel Macron, le seul président de la République à n’avoir pas réformé le régime des retraites et dont on attend toujours les propositions !
Si nous ne comptions pas voter pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est aussi parce qu’il ne contient que peu de mesures en faveur des familles.
Madame la Première ministre, vous vous targuez de réformer le mode de garde « notamment pour les familles monoparentales ». Il faudrait corriger votre formule : les familles monoparentales seront les seules gagnantes de la réforme.
Une politique familiale cohérente doit prendre en compte toutes les familles, ce que vous êtes loin de faire. Plus grave, vous transférez plus de 2 milliards de dépenses de congé maladie pour les femmes enceintes de la branche maladie à la branche famille. Vous faites ainsi baisser le déficit de la branche santé en faisant payer les familles.
C’est inadmissible.
Venons-en à l’article 31, qui mettra en péril toute une filière économique, celle des lunettes et une profession, celle des opticiens français, alors qu’il ne permettra pas le moindre euro d’économie. C’est cela, la politique du « en même temps » : alors que vous voulez favoriser la production française, vous encouragerez en fait la vente des collections antérieures italiennes. Je connais bien le sujet et vous alerte sur cet article, qui est déséquilibré au détriment de la filière française.
Enfin, nous n’aurions pas voté ce projet de loi de financement de la sécurité sociale à cause de votre politique concernant les hôpitaux, qui est intenable à court, moyen et long terme. Je pense notamment à deux exemples d’hôpitaux de proximité de ma circonscription. À Champagnole, la fermeture des urgences pour les deux prochains mois a été actée. Comment accepter de mettre en danger toute la population locale, qui ne pourra plus bénéficier d’un service d’urgences de proximité ? À Saint-Claude, la fermeture de l’hôpital de jour en pédopsychiatrie a été annoncée la semaine dernière ; trente-six enfants seront jetés dans la nature, sans suivi. Admettez que ces mesures qui touchent la même circonscription sont inacceptables, incompréhensibles, pour la population !
Face à ce constat, le groupe Les Républicains était résolu à voter contre votre projet de loi. Toutefois, nous ne voterons pas cette motion de censure défendue par La France Insoumise. Nous n’irons pas jusque-là !
Nous sommes des élus responsables.
Bien que nous soyons opposés à ce PLFSS, nous pensons que l’adoption de cette motion de censure et la dissolution à laquelle elle conduirait aggraveraient le chaos du pays, plutôt qu’elles ne régleraient les problèmes.
Une majorité de Français ne souhaite pas retourner aux urnes. Nous ne leur imposerons pas cela pour le moment. Toutefois, je vous mets en garde, madame la Première ministre, les députés du groupe Les Républicains resteront la vigie vigilante du Parlement, de ses droits et du respect de la séparation des pouvoirs. Faites en sorte que des épisodes comme ceux de jeudi ne se réitèrent pas.