à l'Assemblée nationale
Intervention dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques
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Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce débat pourrait être un exercice formel, sans grandes surprises. Ce serait sans compter sur les habitudes qu’a prises le Président de la République au cours des derniers mois puisque chaque déclaration présidentielle nous apprend la création de nouvelles dépenses. Les journaux ont donc la primeur des promesses présidentielles qui, à n’en pas douter, auront un impact sur nos finances publiques.
Nous devons débattre de la future loi de finances et des priorités de l’État. Nous sommes soulagés, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’ayez pas besoin de recourir au 49.3 à l’occasion de cet exercice. C’est une bonne nouvelle. Cela dit, nous débutons ce débat dans un flou totalement inacceptable. C’est d’ailleurs devenu une pratique coutumière pour le Gouvernement qui, une fois encore, méprise ouvertement le Parlement, c’est-à-dire les représentants du peuple français.
Selon le premier alinéa de l’article 48 de la LOLF, le Gouvernement est censé remettre un rapport au Parlement sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons découvert cette semaine, en commission des finances, que ce rapport n’avait pas été remis. Il a fallu attendre la fin de la réunion de la commission pour qu’il nous soit distribué. Cette situation est ubuesque. Vous bafouez ouvertement les droits du Parlement, monsieur le secrétaire d’État.
Ce débat pourrait se révéler insincère car le Président de la République annonce très régulièrement une nouvelle dépense, c’est-à-dire, disons-le clairement, un nouveau cadeau électoral. Voilà donc où nous en sommes !
Les nouvelles dépenses, pour le seul exercice 2016, représentent environ 6 milliards d’euros. On peut citer le plan d’urgence pour l’emploi, le plan en faveur de l’élevage, le dégel du point d’indice de la fonction publique. Je rappelle au passage, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous critiquiez l’explosion des dépenses des collectivités territoriales, que le dégel du point d’indice de la fonction publique aura lui aussi un impact sur les finances des collectivités locales, que ce soient les départements, les régions, les communes ou les communautés de communes.
On peut également citer les mesures en faveur des jeunes, dont le « plan UNEF », qui s’élève à 400 millions d’euros, le dépassement de crédit pour les demandeurs d’asile, le fonds de soutien aux intermittents, ou encore l’échec des négociations dans le cadre de l’UNEDIC – et j’en passe.
D’autres mesures annoncées ne prendront effet qu’en 2017, voire en 2018 ou, pire encore, en 2019 : la hausse programmée des dépenses militaires, les mesures pour l’emploi, la modération de l’effort demandé aux communes et intercommunalités, mais aussi les mesures relatives à la masse salariale – au total, 10 milliards d’euros.
Lundi, lors de la discussion du projet de loi de règlement du budget, j’ai parlé de « tripatouillages ». J’ai le sentiment que vous n’avez pas apprécié ce terme, monsieur le secrétaire d’État, mais expliquez-moi en quoi ce que vous avez fait pour le CICE ne relève pas de tripatouillage, car il s’agit bel et bien de dépenses dont vous reportez le règlement.
Comprenons-nous bien : certaines de ces dépenses se justifient. Je ne les remets pas toutes en cause. Mais l’honnêteté voudrait que vous nous indiquiez comment vous les financez, c’est-à-dire quelles économies budgétaires vous allez réaliser pour les mettre en œuvre.
Pourtant, là aussi, le Gouvernement dérape. Sur les 18,1 milliards d’euros que vous affirmez avoir économisés, la Cour des comptes n’en trouve que 12. Les économies réalisées par l’État sont évaluées à seulement 1,7 milliard pour 7,3 milliards programmés.
Vous allez ainsi faire peser vos cadeaux électoraux sur la prochaine majorité et le prochain gouvernement. Est-ce cela que l’on appelle la sincérité budgétaire ? Je n’en suis pas sûre. Pire encore : vous risquez l’avenir de notre pays pour assurer votre hypothétique réélection.
Les recettes n’y sont pas, même si nous pouvons nous accorder sur le taux de croissance, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
En revanche, divers chiffres circulent en matière de recettes, ce qui pose à nouveau la question de la sincérité. J’ai retenu qu’en 2016 nous perdrions 8,4 milliards d’euros de recettes, selon l’excellent rapport de notre rapporteure générale. Comment allez-vous financer cette perte, ainsi que les dépenses nouvelles ?
Monsieur le secrétaire d’État, au vu de tous ces éléments, vous comprendrez que les députés Les Républicains attendent pour le moins, au nom des principes de la sincérité et de l’annualisation, une loi de finances rectificative pour l’exercice 2016. Mais nous l’avons bien compris : l’enjeu de la présidentielle vous amène à renoncer à toutes les économies que vous aviez promises. Les fameux 50 milliards sont devenus un leurre.
L’exercice d’autosatisfaction par lequel vous avez ouvert la séance ne trompe personne.